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Le mastocytome

Le mastocytome est une tumeur cancéreuse de la peau, assez courante chez le chien (20% des tumeurs cutanées) ; elle présente un caractère agressif localement (récidive après chirurgie) et des risques de dissémination dans d’autres organes de l’organisme (métastases dans la rate, le foie, les reins ou la moelle osseuse).

Le mastocytome apparait souvent sous la forme d’un ou plusieurs nodules cutanés (de 1 à 12 cm) d’évolution plus ou moins rapide, mais peut prendre des formes très variées.

Quels chiens sont concernés ?

Toutes les races de chien peuvent être atteintes de mastocytome, cependant il existe des races prédisposées : boxer, boston terrier, bull terrier, bullmastiff, cocker, american staffordshire terrier, fox terrier, bulldog anglais, teckel, labrador et golden retriever, beagle, carlin, schnauzer, sharpei, braque de Weimar, et bouvier australien. Les boxers et les Boston terriers représentent plus de 50% des chiens atteints de mastocytome.

Les mâles et les femelles sont touchés de façon équivalente.

Ces tumeurs apparaissent chez des chiens âgés de 7 à 9 ans, mais l’âge d’apparition n’a pas de valeur pronostique sur la survie ou le temps avant récidive.

Ces tumeurs se localisent préférentiellement sur le tronc et les membres, mais quand elles sont situées dans le lit de l’ongle, la cavité buccale, le museau, la région inguinale, périnéale ou les muqueuses le pronostic est plus sombre.

Comment procéder ?

L’apparition de ce petit nodule qui vous parait bien souvent anodin nécessite de mettre en œuvre un certain nombre d’examens complémentaires afin de rechercher :

  • La présence d’un autre nodule cutané qui vous aurait échappé,
  • La détermination exacte de la nature du cancer et son stade,
  • La dissémination locale du processus cancéreux au niveau des ganglions,
  • La dissémination générale du processus cancéreux dans les autres organes.

A partir de l’ensemble de ces informations le vétérinaire pourra établir un plan de traitement et annoncer le pronostic de la maladie.

Les examens complémentaires : le bilan d’extension

Il est important de savoir si les cellules cancéreuses se situent uniquement dans le nodule cutané ou si elles ont commencé à se disséminer dans le corps : c’est ce qui permettra d’évaluer le pronostic et de décider des solutions de traitement.

Le vétérinaire pratique un examen clinique rigoureux à la recherche d’autres lésions cutanées de même type. La présence d’autres nodules annonce déjà le stade 3 de la maladie.

Il recherche ensuite des modifications des ganglions qui drainent le territoire où se situe le ou les nodules (aussi appelés les ganglions sentinelles) et pratique si c’est possible des ponctions de ces ganglions pour savoir s’ils portent des cellules cancéreuses. L’atteinte d’un ganglion définit le stade 2 de la maladie.

L’échographie du foie et de la rate, accompagnée de ponctions et d’analyses de ces prélèvements est un examen incontournable. Elle peut être complétée par une ponction de la moelle osseuse.

La radiographie du thorax peut être un outil supplémentaire, mais ne suffit pas à elle seule.

Le scanner peut être conseillé dans le cas de tumeurs de grosse taille pour aider la chirurgie.

L’ensemble des informations issues de ces examens permet de classer la maladie parmi les 4 stades cliniques et de donner une première idée du pronostic :

  • Un stade clinique 1 est de meilleur pronostic que n’importe quel autre stade plus élevé.
  • La présence de métastases au moment du diagnostic est associée à une survie plus courte.
  • Mais un stade 2 dont l’exérèse est complète est d’aussi bon pronostic qu’un stade 1.
  • Une récidive post-chirurgicale est associée à un pronostic plus sombre.
  • Le taux de survie pour les stades 4 est de 34 à 43 jours.
Stades cliniques des mastocytomes

Stade

Tumeur Bilan d’extension loco-régional
(nœuds lymphatiques)

 

Bilan d’extension à distance
(foie, rate, moelle osseuse)

1

Unique négatif négatif
2 Unique positif négatif
3 Volumineuse infiltrante,
récidivante, éclosion multicentrique

 

positif ou négatif

négatif
4   positf positif

Cependant,  avec une thérapeutique appropriée, le stade clinique a finalement une valeur pronostique faible.

Le grade et les résultats de l’analyse histologique

Le grading histologique est réalisé par un laboratoire à partir des prélèvements de la tumeur (après chirurgie ou après biopsie). Cette analyse permet de connaitre le « degré de différenciation » des mastocytomes et donc leur « agressivité », plus la tumeur est agressive, moins elle est différenciée et plus le grade est haut.

En plus de cela le laboratoire peut rechercher des marqueurs spécifiques (Ki67, AgNOR, c-Kit notamment) qui affinent les connaissances sur la tumeur.

Ce grading est un facteur pronostic fiable. Il n’y a pas de lien entre le stade clinique (bilan d’extension) et le grading histologique.

De plus, si l’analyse histologique porte sur la totalité de la tumeur après chirurgie, celle-ci peut déterminer si le retrait de la tumeur a été complet ou pas (on parle de marges d’exérèses saines, infiltrées ou douteuses). Ceci est un élément important pour savoir s’il est possible ou moins probable qu’il y ait des récidives locales.

Aussi, l’histologie permet de mettre en évidence des cellules cancéreuses dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques ; l’absence de ces « emboles vasculaires » signifie que la tumeur est restée locale alors que sinon, les cellules ont commencé à gagner la circulation pour métastaser. Ceci est encore un élément de pronostic.

Autres examens

D’autres examens généraux peuvent être proposés pour savoir si l’animal est apte à supporter la chirurgie et les traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie (numération formule, biochimie sanguine).

Quels sont les traitements possibles ?

Chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie et thérapie ciblée sont les traitements proposés contre le mastocytome. Ils sont choisis de manière rationnelle en fonction de la tumeur et de ses caractères histologiques, en fonction du chien et de son état, de la disponibilité des techniques et de la volonté des propriétaires. Ils ne sont pas forcément associés.

 

La chirurgie

La chirurgie est le premier outil de traitement, lorsque la tumeur a une taille, une localisation et un aspect qui permettent au chirurgien d’intervenir.

La chirurgie des mastocytomes doit être large et il est nécessaire d’enlever, dans la mesure du possible, 2 cm de plus autour de la tumeur (autour et en profondeur).

> Dans les stades 1, de faible grade, avec un bilan d’extension négatif, sur des tumeurs de petite taille où la chirurgie peut être convenablement effectuée, celle-ci peut suffire à guérir le cancer. (Taux de survie de 83% à 4 ans).

La radiothérapie

La radiothérapie est le traitement local complémentaire de choix pour les tumeurs qui n’ont pas pu être enlevées  complètement (marges d’exérèse non saines ou douteuses) pour lutter contre les risques de récidive.

Le principal problème de cette technique est le faible nombre de centres de radiothérapie vétérinaire. Ces centres de radiothérapie vétérinaires proposent des traitements sous anesthésie générale, composés de 4 à 5 séances pendant une hospitalisation d’une semaine.

Des effets secondaires cutanés (type brûlure) sont rencontrés dans 20% des cas, mais le plus souvent ne sont pas marqués.

> Pour des grades 2, le taux de survie après chirurgie et radiothérapie à 5 ans est de 96%.
> Pour les grades 3, la médiane de survie après chirurgie et radiothérapie est de 28 mois.

La chimiothérapie

La chimiothérapie est indiquée, après chirurgie,  si un risque de métastases est identifié suite à l’analyse histologique (grade 3 et grade 2 avec marqueurs positifs). On tente alors de tuer les cellules cancéreuses résiduelles qui se déplacent dans l’organisme.

Le protocole de chimiothérapie le plus courant consiste en 8 injections intraveineuses, les 4 premières, une fois par semaine et les 4 suivantes tous les 15 jours, qui nécessitent au moins une journée d’hospitalisation pour des raisons légales (l’animal évacue des matières dangereuses dans les heures qui suivent l’administration des produits). Ces séances ne peuvent se faire que dans certaines cliniques vétérinaires équipées (mesures légales).

> La chimiothérapie est souvent couplée à une corticothérapie et permet de multiplier le taux de survie à 2 ans par 3.

La thérapie ciblée

Deux médicaments vétérinaires constituent des nouveaux moyens de lutte contre le mastocytome ; ils sont palliatifs par principe, car ils ne tuent pas les cellules cancéreuses, mais les empêchent de se multiplier et s’adressent davantage aux mastocytomes multiples inopérables. Ils peuvent être utilisés à la maison, contrairement à la chimiothérapie, mais sont plus toxiques pour l’organisme et nécessitent un suivi très serré.

Ce traitement ne doit pas être utilisé uniquement dans un souci de simplicité pour pallier à la radiothérapie ou la chimiothérapie, mais répond à des critères de choix bien précis.

Le taux de réponse de ces traitements est de 50% (guérison clinique ou stabilisation) ; leur coût élevé peut être un frein, surtout sur les chiens de grand format (environ 250€/mois + visites de contrôle : environ 400€ en tout pour un chien de 30 kg).

Le mastocytome cutané du chien est une tumeur cancéreuse au développement complexe et pour lequel la démarche diagnostique et thérapeutique est actuellement bien codifiée, chaque cas étant particulier.